Bwo a le plaisir de présenter "I Wish I Could Be The Moonlight", une exposition personelle présentant de nouvelles peintures de l'artiste ghanéen-italien Stephen Price (né en 1995). Pour ce nouveau corpus d'œuvres, l'artiste puise dans diverses sources d’inspiration, notamment littéraires, cinématographiques et historiques, pour créer une atmosphère bleue qui procure une contemplation à ses sujets riches en mélanine, alors qu'il explore dans un style romantique leurs connexions par un surréalisme nocturne.
La genèse de ces peintures au clair de lune est le poème "Silent Night" du poète philippin Alon Calinao Dy et le film "Moonlight" du réalisateur américain Barry Jenkins. L'émotion a été éveillée chez l'artiste par la façon dont chaque créateur a exprimé sa contemplation du clair de lune dans les deux œuvres. Dans l'opus de Dy, pendant le calme de la nuit, le clair de lune règne comme seule source de lumière, devenant un conduit d'espoir, de rêves et de myriades de possibilités. L'exposition tire son titre de la troisième strophe du poème, qui se lit comme suit :
J'aimerais être le clair de lune
Qui brille si fort
Dans les heures les plus sombres
De ta vie.
Les sentiments qu’il ressent en lisant cette strophe l’ont conduit à établir un lien immédiat avec le film acclamé "Moonlight", adaptation à l'écran de la pièce de Tarell Alvin McGraney "In The Moonlight Black Boys Look Blue" (Au clair de lune, les garçons noirs sont bleus). Les moments de silence retentissants dans les scènes au clair de lune, qui soulignent le regard des sujets noirs devenus bleus, sont apparus comme une révélation pour Price. Ébloui par l'atmosphère unique du clair de lune, qui révèle la vulnérabilité, la quiétude et la tendresse de ses sujets, il décide de créer une série d'œuvres au clair de lune, dans lesquelles ses sujets texturés au fusain dominent la toile dans un décor qui évoque une terre mystique ou paradisiaque, libérée de la violence et de l'oppression du monde réel, où ils peuvent simplement être, embrassés par un bleu nuit.
En mixant fusain, pastel, huile et acrylique sur toile dans sa technique, Price peint des portraits contemplatifs de sujets noirs dans des environnements abstraits ou naturels, presque suspendus dans le temps. Bien que les portraits avec paysages occupent une place prépondérante dans ce corpus, l'exposition s'ouvre sur cinq portraits miniatures illustrés par des tableaux tels que "Beyond" ou "Oh Gently Passing Night #2". Ils mettent en évidence les qualités abstraites de l'artiste, qui capture l'essence de ses sujets en se concentrant sur la lumière et l'atmosphère.
La romantisation par Price de ce monde enchanté et de ses sujets se manifeste au-delà de la pure reproduction d'images photographiques, en se référant également à des tableaux de maîtres du XIXe siècle, puisant dans ses études d'histoire de l'art à l'université de Northampton. Il mêle ces influences à une imagerie fictive intrinsèque à son lexique visuel. Cela est clairement visible dans le tableau "The Path", son interprétation contemporaine du tableau "The Lady of Shalott" (1888) de John William Waterhouse. Le paysage sensuellement empâté de Price et la représentation de la figure féminine flottant sur le bateau en aval dans cet espace bleu saphir illuminé par le clair de lune illustrent la sérénité et la sécurité du lieu, contrastant avec la mélancolie et le sentiment de terreur exsudés par la peinture originale.
Malgré les différentes influences qui ont guidé son processus créatif, I Wish I Could Be The Moonlight - particulièrement illustré dans des toiles tels que "The Letter #2" - peut symboliser pour Stephen Price ce que le tableau "Summer Night. Inger sur la plage" (1889) a signifié pour Edvard Munch. Au-delà des similitudes visuelles, l'exécution par Price de ce corpus d'œuvres représente un moment de libération et d'acceptation de sa nouvelle voix artistique. À l'instar de Munch, il fusionne l'état émotionnel des sujets avec leur environnement tout en distillant des formes et des teintes essentielles. Cependant, contrairement à Munch, il se concentre sur des figures noires, souvent dans un état de nudité, qui lui permettent d'exprimer, par ses traits gestuels, un champ d'émotions par le biais de différentes matières.
- Essai écrit par Brice Arsène Yonkeu